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Le résistant

C’est le printemps. Les deux enfants jouent dans l’allée pentue qui dessert quatre maisons. La leur se situe vers le haut de cette ruelle dite « des hauts gaillards ». Ils ont dessiné une marelle en creusant la terre de ce chemin et ils lancent à tour de rôle leur petit pavé de bois en faisant bien attention qu’il ne tombe pas sur les rainures. Tout à coup, la fillette se fige : elle vient de voir deux soldats kaki, chaussés de hautes bottes noires, sortir du porche, au bas de l’allée.

 marelle

Elle abandonne son palet et court se réfugier dans la cuisine de leur petite maison en criant : « Maman, maman, des soldats ! » son petit frère la rejoint et tous deux se blottissent derrière la chaise de Louise, leur mère, en même temps que les Allemands arrivent de l’autre côté de la porte vitrée. Robert finissait son repas en buvant un ersatz de café (C’est la guerre, le café est introuvable, on le remplace par de l’orge grillé ou de la chicorée) avec Louise, sa femme ; il ouvre la porte aux deux nazis qui entrent, poussent sans ménagement tout ce qui embarrasse encore la table et sortent d’un sous-main noir une liste qu’ils étalent sous ses yeux. Ils cherchent un certain monsieur « Paré », ils parlent mal le Français mais Robert est alerté par la ressemblance entre « Carré » qui est son nom et celui du personnage qu’ils cherchent. Le Français affirme qu’il n’est pas monsieur Paré mais les deux inquisiteurs lui réclament sa carte d’identité. Robert leur raconte qu’elle est restée dans la poche de sa veste de travail, elle-même oubliée dans la sacoche de son vélo. Il doit aller la chercher. Il n’a pas l’esprit tranquille, Robert : Il a, cet hiver, dérobé quelques sacs de charbon aux occupants allemands qui ont réquisitionné l’usine dans laquelle il travaille. C’était pour chauffer la maison. Il a également aidé, à, plusieurs reprises, son chef d’équipe à dissimuler du métal, du zinc, des barres de soudure…en vue de priver les Allemands de ces matériaux au bénéfice du chef qui les revend en ville. Ces larcins pourraient être la cause de la venue des « Boches ».

soldats dans la cuisine

Robert sort donc de la cuisine et gagne l’allée où il a appuyé son vélo contre le muret pendant que les Allemands, soupçonneux, vont examiner l’aiguille du poste de radio afin de s’assurer que, dans cette maison, on n’écoute pas radio Londres. Louise tremble de tous ses membres car on écoute bien cette radio interdite mais, heureusement, Robert a déréglé l’aiguille indiquant les longueurs d’ondes. Les deux nazis croient ce qu’ils voient…et ils ne voient pas revenir Robert qui a disparu de la cour, du jardin, de l’allée. Louise devine ce qu’il a fait : il a sauté par-dessus le mur qui sépare la ruelle des deux hectares couverts de serres de l’horticulteur voisin. Elle sait qu’il a agi ainsi car c’était une éventualité depuis longtemps évoquée par Robert si les « verts de gris » venaient lui chercher des noises. Il pensait pouvoir échapper aux poursuites allemandes en zigzagant entre les serres et ensuite rejoindre les maquis de la résistance. Il savait que dans les bois environnants, des hommes en délicatesse avec la gestapo, la police allemande, ou qui n’acceptaient pas cette présence étrangère sur notre territoire, s’organisaient pour survivre dans les bois et jouer de mauvais tours à ces envahisseurs abhorrés.

Robert escalade le mur

Les deux nazis sont très dépités et décident de rester dans cette cuisine pour surveiller les enfants et la femme qui a présenté sa carte d’identité. Ils savent maintenant que l’homme qui vient de s’enfuir n’est pas monsieur Paré, mais, s’il se cache, c’est qu’il a quelque chose à se reprocher. Cependant, au bout de quelques instants, ils décident de continuer à chercher l’homme de leur liste car ce dernier est un « gros poisson », un individu dénoncé comme étant terroriste potentiel. C’est celui-ci qu’ils doivent ramener à la kommandantur, et ces deux hommes sont très disciplinés, peu enclins à prendre des initiatives. Le quartier apprend, dans la soirée, que le voisin, André Poirier, a été arrêté par la gestapo.
Et Robert, que se passe-t-il pour lui ? Il se faufile, dès le mur franchi, entre les serres, il court, il court, mais il est à bout de souffle. Il faut qu’il se cache !

Entre les serres

Il entre dans une serre, au hasard, et apprécie d’un coup d’œil l’organisation du lieu : des tables de part et d’autre d’une allée centrale, couvertes de boîtes en bois dans lesquelles germent des graines. Sous ces plateaux sont entreposés des centaines de sacs de jute, au fond, un énorme tas de terreau noir. Robert décide de se faufiler derrière une pile de sacs, mais il se trouve alors contre la paroi de verre de la serre. Ses poursuivants pourraient le voir ? Il se rassure en constatant que des algues vertes se sont développées et rendent le verre opaque. Il restera là jusqu’à la nuit.

Se cacher sous les sacs

Un ouvrier l’a vu entrer dans la serre. Il y pénètre une heure plus tard, après qu’il a constaté qu’aucun poursuivant ne s’est lancé derrière cet homme qu’il ne connaît pas mais qui, visiblement, essaye de se cacher. En désherbant les jeunes pousses de la serre, le jardinier explique : « Vous vous cachez mais personne ne vous poursuit pour le moment.
- Vous n’avez vu aucun Allemand circuler parmi les serres ? Je viens de fausser compagnie à deux soldats nazis qui cherchaient un certain « Paré ». Ce n’est pas mon nom, mais ça pourrait être moi qu’ils veulent. Je n’ai pas envie de tomber entre leurs mains. Maintenant que je me suis échappé, je ne peux plus retourner chez moi, je vais tâcher de rejoindre un maquis de résistants.
- Vous avez de la chance que ce soit moi qui vous aie vu. Mon beau-frère qui n’a pas voulu partir au STO, en Allemagne, fait partie des FTP, un groupe de résistants installé dans la forêt de Mayenne. Je peux lui parler de vous.
- Je vous remercie de votre proposition.
- Il va falloir que vous restiez caché pendant deux ou trois jours. Je vais vous aménager un abri un peu plus confortable que ce tas de sacs. Vous ne devrez pas sortir de cette serre dans la journée car j’ai des collègues dont je ne suis pas sûr : ils pourraient dénoncer votre présence pour ne pas avoir d’ennuis avec les autorités allemandes. Généralement, je suis le seul à m’occuper des semis donc personne d’autre que moi n’est censé pénétrer dans cette serre. Cependant, j’ai d’autres activités dans cette entreprise et, en me cherchant, les patrons ou d’autres jardiniers pourraient y venir et vous apercevoir. Je vous apporterai, ce soir, quand la nuit sera tombée, de quoi vous nourrir.

 L'homme dans la serre

- Je voudrais vous demander un autre service : mon épouse et ma mère doivent être très inquiètes à mon sujet, je n’ai pas eu le temps de leur expliquer ce que j’allais faire. Je me demande aussi ce que les Allemands ont pu faire à ma femme. Pourriez-vous grimper la ruelle du 1 de la rue des bouchers et tâcher de vous renseigner, peut-être même parler à Louise et lui expliquer mon projet ?
- Ah ! Je comprends comment vous êtes arrivé ici : vous avez sauté le mur qui sépare cette ruelle de la propriété de mes patrons. J’enverrai ma femme dans votre quartier, elle essayera d’entrer en relation avec la vôtre s’il n’y a pas de danger à le faire. Restez caché, je reviendrai ce soir. »
Robert est engourdi à force de ne pas bouger sous son tas de sacs. De plus, il est inquiet : a-t-il eu raison de faire confiance à cet homme qu’il ne connaît pas ? Et s’il lui avait fait toutes ces promesses pour endormir sa confiance et pouvoir le livrer à la gestapo afin d’en retirer un bénéfice quelconque ? Il décide d’attendre la tombée de la nuit et alors, de changer de cachette pour pouvoir observer la venue de l’homme providentiel. Dès qu’il fait assez sombre, alors qu’il n’entend plus le moindre bruit dehors, Robert se faufile hors de la serre et va s’aplatir dans l’herbe, à l’ombre de la serre voisine, où on ne peut le voir mais d’où il peut observer l’entrée de la serre qu’il vient de quitter. Voilà, l’homme arrive, il est seul, il n’est muni d’aucun éclairage afin de passer inaperçu. Il porte quelques planches sur son épaule. Sans bruit, il pénètre dans la serre où Robert le rejoint : il sait maintenant que cet homme est sincère.

L'homme revient à la nuit

Dans la faible lueur de la lune, les deux hommes creusent le tas de terreau humide du côté de la paroi de verre, ils étayent le trou avec les planches, ils y installent des vieux sacs de jute et Robert peut s’allonger dans ce petit tunnel qui est invisible depuis la porte de la serre aussi bien qu’à travers la paroi de verre salie.

le tas de terreau

Tout en travaillant, l’ouvrier raconte que sa femme est allée jusque chez Robert, mais elle a trouvé la maison fermée, personne n’a répondu lorsqu’elle a frappé à la porte. Robert sourit car il sait où est partie sa famille ; ce départ avait été envisagé avant l’arrivée des deux Allemands : partir à Rochefort pour se réfugier dans la ferme du père et de la mère Buchet, mettre ainsi les enfants et la grand-mère à l’abri des Allemands et de la faim qu’ils imposent à la population en s’accaparant les richesses de la France. Dans une ferme, il y a toujours à manger. Louise n’avait pas traîné avant d’exécuter ce projet et elle avait eu raison. Elle irait travailler à l’usine, à Laval, à vélo, tous les jours : vingt kilomètres le matin et autant le soir, mais Louise était courageuse. Robert mange le morceau de pain et le bout de fromage que l’homme lui a apportés.

Louise sur le chemin de halage

Deux jours se passent pendant lesquels Robert essaye de suivre les activités de jardinage en écoutant tous les menus bruits qui s’élèvent autour du tas de terreau sous lequel il est allongé : de l’eau qui coule, des coups de pioches, des pas lourds, des bribes de conversations : « …ces salauds l’ont embarqué… », « …des œufs chez la mère Cadot… », « ils ont fait sauter un train près de… », « …c’est le patron qui commande… ». Il voudrait bien sortir de sa cachette pour gagner le maquis même s’il n’imagine pas bien ce que pourrait être sa vie dans la résistance. Il attend la nuit noire pour aller faire pipi et caca dans l’herbe, autour de « sa » serre, il ne mange que le soir, quand l’homme vient en se dissimulant. Ce soir, il lui dit : « Demain, je vais charger les sacs de jute dans la camionnette de l’entreprise, nous irons les remplir de terreau de feuilles dans le bois de l’huisserie. C’est moi qui chargerai les sacs, il faudra profiter de ce moment pour vous installer dans le fond de la camionnette. Une fois dans le bois, vous vous éclipserez et irez vous dissimuler dans un fourré. Je n’ai pas l’intention de mettre le chauffeur au courant de votre présence, je ne lui fais pas confiance. Un FTP viendra vous chercher après notre départ et vous conduira dans un camp de maquisards. Ne me remerciez pas, c’est ma façon de combattre les « Chleus ». Plus il y aura de résistants, plus la situation deviendra difficile pour les nazis et plus vite ils perdront la guerre. »

Pourvu qu’il puisse rejoindre le camion sans être repéré, Robert est inquiet, le lendemain matin, quand il entend le ronflement du moteur. Son « sauveur » entre dans la serre et lui murmure de courir à deux serres de là, vers la droite et d’escalader la plateforme du camion, la ridelle est baissée et il a expédié le chauffeur chercher les papiers de l’engin au bureau. La première étape de cette exfiltration est réussie.

 vers le camion

Une demi-heure plus tard, ils pénètrent dans une allée du bois. Dans une grande clairière, la camionnette s’arrête. Pendant que les deux employés se dirigent vers le lieu d’extraction du terreau, Robert saute du camion et traverse l’allée pour se coucher au fond du fossé qui la longe. Il s’enfoncera un peu plus dans le bois quand les deux hommes seront partis. Une heure plus tard, ils ont rempli d’une belle terre noire la vingtaine de sacs qu’ils avaient apportés, ils remontent dans le véhicule et s’en vont.

dans le bois

Robert est seul, il s’étire, se secoue car il est plus ou moins couvert de particules du terreau au milieu duquel il vit depuis trois jours. Il ne s’est pas lavé, pas peigné, pas rasé depuis qu’il s’est enfui. Il doit avoir une mine épouvantable, mais il est libre et assez fier d’avoir pu échapper aux nazis car il est maintenant persuadé qu’ils étaient bien venus chez lui pour l’interroger sur les disparitions de matériel constatées à l’usine. Il espère ne pas effrayer par son aspect l’homme qui doit venir le chercher. Assis derrière un épais buisson, il guette, pas très longtemps : tout jeune homme arrive à vélo, conduisant de sa main gauche un autre vélo sans doute destiné à lui, Robert. Un peu naïvement, Robert est certain qu’il s’agit bien de celui qu’il attend et bondit sur le chemin en agitant les bras.

Arrivée de Charles dans le bois

Le jeune homme s’arrête et lui confie le vélo en même temps qu’un morceau de pain et une veste de velours qu’il sort d’une de ses sacoches. « Mets ça, tu auras meilleure allure. Je suis Charles et je suis chargé de te conduire jusqu’à Chailland où un maquis s’est constitué. Nous avons beaucoup de kilomètres à parcourir, mais pour éviter de rencontrer des boches qui nous demanderaient ce qu’on fait là, nous allons prendre de toutes petites routes et des chemins. Nous allons éviter Laval et contourner la ville en passant par Saint Berthevin. A partir de Changé, nous roulerons sur le chemin de halage jusqu’à Montflours. Les Chleus d’Andouillé ne sont pas très actifs, ils ont peur des attaques terroristes. Si on tombe sur une patrouille allemande, on lui expliquera qu’on est à la recherche d’un peu de ravitaillement dans les fermes pour nourrir la famille, à Laval. » Robert raconte à Charles pourquoi il s’est enfui et que sa mère, sa femme et ses enfants se sont réfugiés à Rochefort, près d’Andouillé. Ils ne s’y arrêteront pas car Charles est pressé de gagner le maquis où l’attend son frère aîné qui serait très inquiet s’il ne voyait pas revenir le jeune homme avant la nuit. Toute cette conversation se déroule en pédalant. « Tu n’es tout de même pas venu de Chailland en poussant deux vélos ? Demande Robert.
- Non, je suis venu ce matin en side-car jusqu’à une ferme proche du bois de l’Huisserie, avec un ami qui devait gagner Laval pour voir Le Basser, il m’a conduit dans une ferme amie où nous avions laissé ces deux vélos. Deux cyclistes attirent moins l’attention de l’ennemi qu’une moto ou une bagnole. »
Ils n’ont pas rencontré grand monde au cours de leur expédition : quelques paysans avec leurs vaches, quelques enfants revenant de l’école ou s’y rendant et même un camion chargé de soldats allemands qui n’ont prêté que peu d’attention à ces deux cyclistes ne transportant visiblement rien d’autre qu’eux-mêmes et qui n’avaient pas l’air inquiet en les croisant.

Robert et Charles à vélo

La nuit tombe, le chemin qu’ils suivent dans le bois est de plus en plus difficile à deviner : « Qui va là ? » Une voix a jailli d’un fourré à laquelle a répondu celle de Charles : « Brouillard épais ! C’est moi, Charles, avec le nouveau que j’amène de Laval.
- Tu arrives bien. Henri commençait à s’inquiéter. On va avoir besoin de bras : ce soir, parachutage dans un champ de la Bardouillère.
- Robert, dit Charles, tu as juste le temps de manger un morceau, de te rafraîchir un peu et hop ! Au travail ! »
On sert un ragout de lapin aux deux hommes, Henri, qui semble être le chef de ce camp, interroge rapidement Robert : pourquoi il s’engage dans la résistance, ce qu’il sait faire. Demain, il lui expliquera comment on vit dans un maquis, ce soir, ils n’ont pas le temps. « Je suis bien content qu’un bouif soit venu nous rejoindre : toutes nos godasses sont dans un tel état qu’elles ont bien besoin de réparations. » Robert a expliqué qu’avant de faire de la soudure dans l’usine métallurgique de Laval, il avait été monteur de chaussures dans une autre usine.

le soir au camp

En file indienne, une dizaine d’hommes s’en vont vers l’orée du bois. Ils tirent trois petites remorques destinées à rapporter ce qui va tomber du ciel. De temps en temps, la lune les éclaire, mais, souvent, il fait plus noir que dans un tunnel et, seule, la tête de celui qui le précède se découpe sur le ciel juste un peu plus clair. Tous ont l’air de bien connaître les lieux et Robert est le seul qui trébuche de temps en temps.

vers le parachutage

Ils débouchent sur un grand terrain plat où quatre hommes se répartissent en ligne droite. Dès qu’ils entendront le ronflement du moteur de l’avion venu d’Angleterre., ils allumeront les lampes de lumières blanches et rouges qu’ils gardent au creux de leurs mains tournées vers le ciel.

sur le terrain de parachutage

Ils attendent peu. Robert est effrayé par le bruit que fait cet avion, s’il l’entend, les Allemands l’entendent aussi et ils risquent de rappliquer. En quelques minutes, des ballots noirs se balancent sous des parachutes blancs, Robert compte six paquets. Il n’a pas le temps de se demander ce que contient chacun d’eux, les maquisards détachent rapidement les cordes des parachutes qu’ils roulent en boules et portent vers le bois. Aucune trace du parachutage ne doit rester visible car elle dénoncerait le maquis. Tout s’est bien passé et Robert est plus détendu sur le chemin du retour qu’il ne l’était à l’aller.

 parachutage

De retour au camp, les paquets sont ouverts, d’où l’on extrait des fusils, des munitions, un poste de radio émetteur, des vestes imperméables, des chaussettes de laine mais aussi des cigarettes et même, Ô merveille ! des barres de chocolat que les hommes se partagent en riant. Robert vient de participer à son premier acte de résistance.
Il passe sa première nuit dans une cahute a demi enterrée et couverte de branchages, sur un lit de camp assez inconfortable mais davantage que le trou dans le terreau de la serre. Dès le lendemain matin, ses compagnons lui présentent leurs godillots en lui demandant de faire la liste de ce dont il a besoin pour les réparer : une alène, du fil, de la poix, un tranchet et surtout, du cuir. Charles ira à Chailland et tâchera de rapporter tout cela, mais il ne peut compter sur le cordonnier local qui fricote avec les nazis et pourrait dénoncer la requête insolite du jeune homme. En attendant le retour de Charles, Robert est invité par le cuisinier du camp à l’accompagner jusqu’à la ferme de la Baronie où ils vont chercher deux poules que le fermier est prêt à leur donner : ce sont les paysans des alentours qui nourrissent les divers maquis installés dans la région mais c’est aussi dans ces fermes que les Allemands viennent acheter ce dont ils ont besoin. Les expéditions d’approvisionnement en nourriture sont dangereuses, il faut toujours surveiller les abords des bâtiments pour détecter la présence d’un véhicule ennemi et laisser un guetteur sur le chemin d’accès à la ferme.

ravitaillement à la ferme

Charles a pu se procurer le matériel demandé par Robert (C’est l’apprenti qui l’a volé au patron, à l’exception du cuir qui provient d’une vieille sacoche qui a été décousue). Pendant quelques jours, Robert ressemelle, pose des pièces, couds et rafistole comme il le peut les souliers des uns et des autres. Ce n’est pas là un acte très glorieux mais il est tellement nécessaire que Robert se sent pleinement résistant.
Henri l’envoie, le quatre juin, porter un message au chef du maquis de Placé, petit papier roulé et placé dans la poignée du guidon du vélo dont va se servir Robert pour gagner le bourg de Sacé où il rencontre l’épicier qui le conduit à travers bois jusqu’au camp : Les communications radio avec Londres semblent indiquer qu’on approche de la date d’un grand débarquement des Alliés, les forces résistantes de la Mayenne ont fusionné et sont devenues les Forces Françaises de l’Intérieur. Tous ces évènements nécessitent que les chefs de maquis se consultent. On demande à Robert d’attendre une réponse. Il en profite pour discuter avec les trois ou quatre hommes présents dans le camp et il apprend que les nazis de la kommandatur d’Ernée sont énervés depuis hier et on se demande ce qu’ils préparent. Tous sont inquiets : on les a vus entasser des munitions dans des camions, munir leurs casques de branchages. Qui veulent-ils attaquer ?
La réponse arrive rapidement en même temps que Charles descend de sa bicyclette, exténué tant il a pédalé vite : le maquis de Chailland a été pris par les Chleus qui l’avaient encerclé. Seul, Charles a pu s’échapper car il était parti ramasser du bois mort assez loin, il avait pris son vélo pour attacher son fagot. Quand il a entendu les coups de feu, il a rampé vers le camp et a vu les Allemands attacher les maquisards et les emmener vers leur camion. Charles est venu prévenir que le camp de Sacé courait le même risque.

 attaque du camp

Robert et Charles décident de partir aussitôt pour Rochefort, retrouver la famille de Robert et attendre de voir comment les choses vont tourner.
Le six juin, dans la soirée, le père Buchet qui a été réquisitionné dans la nuit ainsi que sa jument et sa cariole par les Allemands d’Andouillé regagne la ferme et annonce la bonne nouvelle : Les alliés ont débarqué en Normandie et se battent dur contre les envahisseurs. Les troupes allemandes commencent à se regrouper dans les grands centres, abandonnant les campagnes. Un espoir nait dans le cœur de Robert et de Charles : ce débarquement va peut-être sauver la vie des résistants capturés à Chailland, les Boches vont avoir d’autres chats à fouetter que de s’occuper de maquisards !

 le débarquement

Voilà la grande aventure que Robert, mon père…n’a pas vécue au printemps 1944. Les allemands sont bien venus dans la ruelle des hauts gaillards, ils sont bien entrés chez Robert et cherchaient bien un monsieur « Paré », mais c’était André Poirier qui les intéressait et qu’ils ont effectivement arrêté. Mon père a bien cru que c’était lui qu’ils cherchaient, il a bien envisagé de fuir entre les serres de l’entreprise Sauvé mais les deux nazis ont vite été convaincus qu’il n’était pas leur homme. Robert n’a jamais été inquiété par la police allemande pour ses larcins et son chef d’équipe dans l’usine de Laval a pu emporter tout un camion de matériel dérobé aux occupants après la guerre, quand il a regagné le nord de la France d’où il était originaire.

plan

Gisèle, 2019